Marseille

 

Commémoration des rafles du Vieux-Port, de l'Opéra et de la destruction des Vieux-Quartiers.

 

Il y a 80 ans s’écrivait une des pages les plus sombres de l’histoire de Marseille. Les rafles dont celles de l’Opéra comme la destruction des Vieux-Quartiers sont inscrites dans notre histoire par l’antisémitisme et la violence inouïe à laquelle se sont livrées les forces de la Collaboration et celles de l’Allemagne Hitlérienne

Marseille se souvient, janvier 1943 :

Entre le 22 et le 24 janvier 1943, Marseille a connu les rafles les plus importantes après celle du Vél'd’Hiv à Paris. Elles s'accompagnèrent de la plus importante destruction d’un ensemble urbain jamais connue en France.

Après le débarquement allié en Afrique du Nord le 8 novembre 1942, Marseille bien qu’en zone libre, passe sous la botte de l’occupant avec l’arrivée des troupes allemandes en ville.

A Berlin, Hitler décide de procéder à la destruction des Vieux-Quartiers, considérés à la fois comme une « porcherie » et un nid de Résistance (des actions armées de la Résistance contre les lieux fréquentés par les allemands font de nombreux blessés et deux morts). Heinrich HIMMLER, chef de la SS pour le Reich, ordonne de détruire par explosifs cette « sous-ville » et de déporter ses habitants. En janvier 1943, les autorités françaises s’engagent à prendre en charge l’évacuation forcée des Vieux-Quartiers et à organiser des rafles dans l’ensemble du centre de Marseille.

Cette opération, nommée « opération SULTAN », est ainsi réalisée entre janvier et février 1943 avec la collaboration de la police française commandée par le secrétaire général de la police, René Bousquet (12 000 policiers français dont certains déplacés depuis Lyon, Paris ou Toulouse).

22 janvier 1943 : Rafle de l’Opéra. Ce soir-là, jour de chabbat, dans le centre-ville et de part et d’autre de la Canebière, en particulier dans le quartier de l’Opéra où les familles juives sont nombreuses, les appartements sont systématiquement visités par des équipes de policiers français avec l’aide de serruriers réquisitionnés. Jusqu’au petit matin, les policiers français multiplient les arrestations. 1865 personnes sont dirigées vers la prison des Baumettes.

23 janvier 1943, les troupes allemandes encerclent le quartier du Vieux-Port, la police française est mobilisée en nombre dans le quartier. À la tombée de la nuit, les arrestations massives reprennent.

24 janvier 1943 : L’évacuation forcée du quartier du Vieux-Port commence. Policiers français et soldats allemands réveillent les habitants, rue par rue et leur ordonnent de quitter leurs logements. Les voitures de police munies de haut-parleurs diffusent le message suivant :

« Habitants du quartier, pour des raisons d’ordre militaire et afin de garantir en toutes circonstances la sécurité de la population, les hautes autorités allemandes ont décidé de procéder à votre évacuation.

Préparez-vous donc immédiatement à quitter votre domicile. N’emportez que des bagages à main : couverture, linge de corps, vêtements chauds, vivres pour 48 heures. Votre hébergement sera assuré. Des indemnités vous seront payées.

Soyez calmes et disciplinés ! À partir de maintenant, il est rigoureusement interdit de circuler dans les rues sauf en groupes organisés sous la conduite des autorités chargées des opérations d’évacuation. Fermez à clé en partant.

Attention ! Toute personne trouvée en possession d’une arme à feu ou d’une arme blanche sera immédiatement arrêtée et jugée. Elle sera punie de la peine de mort.

Dans votre propre intérêt, facilitez la tâche des autorités françaises qui ont besoin de votre discipline et de votre concours pour mener à bien cette difficile opération ».

Les familles, emportant leurs maigres affaires sous le bras, sont regroupées sur le quai du port et poussées dans les tramways et les autocars réquisitionnés. Transférés de la gare d’Arenc dans des wagons à bestiaux cadenassés, la plupart des raflés partiront vers les camps de Fréjus, les familles juives seront elles envoyées aux Baumettes puis déportées jusqu’au camp de la mort de Sobibor.

A Fréjus, un « tri » opéré sur les détenus par des commissions mixtes franco-allemandes sur la base de fichiers fournis par les français condamnera une partie de ceux-ci à rejoindre les camps de déportation. Les autres, la majorité des détenus de Fréjus, seront renvoyés vers MarseilleLa plupart d’entre eux retrouveront leur logement pillé et ne pourront pas le réintégrer.

A partir du 1er février, commencent les opérations de dynamitage des Vieux Quartiers qui durent plus de deux semaines.

Lourd bilan humain : 20 000 personnes évacuées de force de leurs logements, plus de 6000 arrestations, 1642 déportés au camp de Sobibor en Pologne.

Lourd bilan matériel : 1500 immeubles détruits, 50 rues effacées de la carte, 14 hectares rasés et ce en plein centre-ville, centre historique de Marseille.

 

 

Marseille se souvient, 29 janvier 2023

80 ans après ce drame, au moment où les derniers témoins disparaissent, la Ville de Marseille s’attache à transmettre l’histoire et rendre hommage à la mémoire des hommes, femmes, enfants, arrêtés, évacués de force puis, pour certains, déportés parce que nés Juifs ou résistants.

Cet hommage se déroule en trois cérémonies organisées par Monsieur le maire de Marseille, Monsieur Benoit Payan, en présence de Monsieur le ministre de l’Intérieur, Monsieur Gérald Darmanin, Madame la Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, Madame Patricia Mirallès et bien d’autres parlementaires, sénateurs et élus de la ville de Marseille.

La première commémoration s’effectue à l’Hôtel de Ville. De nombreux discours et de poignants témoignages sont prononcés, honorant la mémoire de ces personnes torturées par tant de haine et dont beaucoup ne sont pas revenues. Les porte-drapeaux des corps d’armées et civils sont présents, sombres et recueillis, la chorale d’un établissement scolaire marseillais accompagne la tristesse par ses chants.

C’est ensuite place du 23 janvier 1943, que vont se poursuivre discours et dépôts de gerbes. Cette place conserve les vestiges des bâtiments dynamités. Les recueillements sont accompagnés par la Chorale de l’Opéra de Marseille, où le canon des voix porte avec une intensité et une beauté tragique l’hymne national.

Le cortège s’est ensuite déplacé sur la place de l’Opéra déjà remplie de monde. En 1943 au moment des rafles, l’Opéra et ses rues avoisinantes est un quartier où vivent principalement des familles juives.

De ce fait, les représentants des trois grandes institutions religieuses de Marseille (FSJU PACA, Consistoire Israélite de Marseille et CRIF Marseille Provence) ont pris la parole ainsi que certains rescapés dont la vie après tant d’abominations est maintenant consacrée au devoir de mémoire. La jeune génération est là, représentée en nombre et a déposé une gerbe sous la plaque du souvenir des déportés.

Pour clore la cérémonie, le Grand Rabbin de Marseille, a récité la prière du souvenir et le kaddish, en hommage à toutes les victimes de la barbarie nazie.

 

« Souviens-toi » sera le « leiv-motiv » de cette journée et de ces commémorations

 

Valérie Gusmaroli

ANCAC Marseille