Marseille
Commémoration du 19 mars 2024
A l'occasion de la commémoration du 19 mars prochain, nous vous prions de bien vouloir trouver ci-dessous le message de Patricia Mirallès Secrétaire d'Etat auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la mémoire.
Parmi les journées nationales qui entretiennent la mémoire des conflits contemporains, le 19 mars tient une place singulière. Comme le 11 novembre, comme le 8 mai, il marque l'arrêt des hostilités.
Pour les centaines de milliers d'appelés et d'engagés qui s'étaient succédé sur les rives Sud de la Méditerranée, dans les montagnes de Kabylie, dans les gorges des oueds, pour ceux qui s'y trouvaient encore, le 19 mars fut d'abord un soulagement, l'espoir que les balles cesseraient de siffler. Ils formaient la 3e génération du feu.
Leurs aïeux, sous les drapeaux, s'étaient battus en 14 comme en 40, répondant à l'appel de la Nation comme on leur demanda à leur tour de le faire, dans une société que la nature et le sens de cette guerre divisaient en profondeur.
Après le retour, après les sacrifices, après la mort des copains, les blessures reçues ou la mort infligée, vint pour ceux de 54 et de 62 un nouveau combat, celui de la reconnaissance.
Ce qui est aujourd'hui une évidence, qu'ils avaient des droits sur nous, ne l'était pas à l'époque.
C'est aussi cela, la singularité du 19 mars : cette journée ne s'est pas imposée, elle a été conquise par ceux qui voulaient qu'une date vienne fixer l'hommage de la Nation, susciter le recueillement, honorer leurs morts et toutes les victimes. Notre pays a mis 50 ans à la leur accorder.
Cette journée est celle d'une génération tout entière, de ces 26 000 morts qui ont donné leur vie pour la France, de ces 1 750 000 appelés et engagés qui ont donné un morceau de leur jeunesse à la Nation.
Nous réunir aujourd'hui, à Paris, au Quai Branly, devant le mémorial de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, comme devant chaque monument aux morts, c'est entendre les échos de ce 19 mars 1962 quand, l'encre des paraphes à peine sèche, le cessez-le-feu était proclamé des deux côtés.
Les accords d'Evian devaient mettre fin à des opérations dont la violence et l'âpreté désignaient une réalité incontestable, la guerre, qui ne fut reconnue comme telle que plusieurs décennies plus tard.
Nous réunir aujourd'hui, c'est aussi faire écho aux inquiétudes, à l'angoisse ou à l'amertume de ceux qui comprenaient qu'un cessez-le-feu ouvre toujours une transition, et que celle-ci prendrait fin avec la vie telle qu'ils l'avaient connue jusqu'alors.
C'est l'écho de celles et ceux qui, en devant quitter la terre qui les avait vus naître, ont laissé derrière eux les paysages de leur enfance, les places où ils s'étaient rassemblés, les voisins qu'ils avaient connus.
Ce qu'ils avaient cru pouvoir construire. Une vie en somme. Et parfois la vie tout court, car dans ce cessez-le-feu intermittent et fragile, la mort ou la disparition rôdaient encore pour les militaires comme pour les civils.
C'est l'écho des cris des Harkis, que les représailles allaient lacérer ou, pour ceux qui réussirent à rejoindre la métropole, qui allaient faire l'expérience cuisante de l'injustice et de l'oubli.
Nous réunir le 19 mars, c'est aussi faire écho à ce que l'histoire de France du vingtième siècle, par ses déchirures, porte de profondément tragique en elle.
Nous ne célébrons aujourd'hui ni victoire ni défaite militaire. L'issue de la guerre d'Algérie n'a pas été réglée par les armes.
Le chemin sur lequel la Nation s'est engagée est celui de la réconciliation des mémoires, à laquelle chacun doit participer, avec lucidité et honnêteté face aux faits.
Ce chemin, long et difficile, mais nécessaire et salutaire, est aussi celui qui nous conduit vers une cohésion nationale consolidée.
Car en reconnaissant sans a priori que des mémoires plurielles puissent exister et s'exprimer, c'est la France que nous grandissons, et son destin que nous construisons.
Vive la république, vive la France
Section de Marseille